Loi sur l'instruction primaire, du 28 juin 1833, dite loi Guizot

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Type
Article législatif
Lois et règlements
Texte transcrit
Sujet
Enseignement primaire
Écoles normales
Description
La loi du 28 juin 1833, dite loi Guizot, règlemente l'instruction primaire publique et privée. Elle stipule que les communes de plus de 500 habitants doivent entretenir une école communale. Des écoles normales primaires départementales doivent aussi former les maîtres. Un corps d'inspecteurs placé sous l'autorité des recteurs doit être créé. Des Conseils d’éducation constitués de personnalités laïques et religieuses nomment les instituteurs qui doivent être titulaire d'un brevet pour pouvoir exercer. La création d'écoles primaires supérieures est prévue, de même que celle d'écoles normales pour former les instituteurs, à la charge des départements. Des livres sélectionnés deviennent diffusés en grand nombre.

En conséquence de ces réformes et politiques successives, entre 1835 et 1850, le nombre des écoles primaires passe en France d'environ dix mille à vingt-trois mille. La proportion d'analphabètes chez les conscrits passe de 50 à 39 %. La première loi, de même que l'ordonnance sont ici transcrites intégralement dans deux fichiers attachés. Le texte officiel est publié dans le "Manuel général de l'instruction primaire", 1833, organe officiel de diffusion des lois sur l'enseignement primaire. La transcription provient de la première édition du "Guide des Écoles primaires", publié chez Louis Hachette en 1834. Suite à la promulgation de la loi, une grande enquête est lancée, menée par des inspecteurs de l'Université royale.
Auteur
Guizot François (1787-1874)
Date
1833
Table des matières
Loi du 28 juin 1833 sur l'instruction primaire
LOI SUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE
TITRE PREMIER. De l'instruction primaire et de son objet.
TITRE II. Des écoles primaires privées.
TITRE III. Des écoles primaires publiques.
TITRE IV. Des autorités préposées à l'instruction primaire

ORDONNANCE DU ROI
Pour l'exécution de la loi du 28 juin 1833 , sur l'instruction primaire.
TITRE PREMIER. De l'organisation des écoles primaires publiques.
TITRE II. Des écoles primaires privées.
TITRE III. Des écoles normales primaires.
TITRE IV. Des autorités préposées à l'instruction primaire
TITRE V. Dispositions transitoires.
Titre
Loi sur l'instruction primaire, du 28 juin 1833, dite loi Guizot

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École primaire supérieure de Metz (1835-1870) Organisation

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LOI SUR L'INSTRUCTION PRIMAIRE.

Louis-Philippe, Roi des français,
À tous présents et à venir, Salut.
Nous avons proposé, les Chambres ont adopté, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

TITRE PREMIER.

De l'instruction primaire et de son objet

Art. 1er. - L'instruction primaire est élémentaire ou supérieure.

L'instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures.

L'instruction primaire supérieure comprend nécessairement, en outre, les éléments de la géométrie et ses applications usuelles, spécialement le dessin linéaire et l'arpentage, des notions des sciences physiques et de l'histoire naturelle applicables aux usages de la vie, le chant, les éléments de l'histoire et de la géographie, et surtout de l'histoire et de la géographie de la France.

Selon les besoins et les ressources des localités, l'instruction primaire pourra recevoir les développements qui seront jugés convenables.

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Art. 2. - Le vœu des pères de famille sera toujours consulté et suivi en ce qui concerne la participation de leurs enfants à l'instruction religieuse.

Art. 3. - L'instruction primaire est privée ou publique.

TITRE II.

Des écoles primaires privées

Art. 4. - Tout individu âgé de dix-huit ans accomplis pourra exercer la profession d'instituteur primaire et diriger tout établissement quelconque d'instruction primaire, sans autres conditions que de présenter préalablement au maire de la commune où il voudra tenir école :

1° Un brevet de capacité obtenu, après examen, selon le degré de l'école qu'il veut établir ;

2° Un certificat constatant que l'impétrant est digne, par sa moralité, de se livrer à l'enseignement. Ce certificat sera délivré, sur l'attestation de trois conseillers municipaux, par le maire de la commune ou de chacune des communes où il aura résidé depuis trois ans.

Art. 5. - Sont incapables de tenir école :

1° Les condamnés à des peines afflictives ou infamantes ;

2° Les condamnés pour vol, escroquerie, banqueroute, abus de confiance ou attentat aux mœurs, et les individus qui auront été privés par jugement de tout ou partie des droits de famille mentionnés aux paragraphes 5 et 6 de l'article 42 du Code pénal ;

3° Les individus interdits en exécution de l'article 7 de la présente loi.

Art. 6. - Quiconque aura ouvert une école primaire en contravention à l'article 5, ou sans avoir satisfait aux conditions prescrites par l'article 4 de la présente loi, sera poursuivi devant le tribunal correctionnel du lieu du délit, et condamné à une amende de cinquante à deux cents francs : l'école sera fermée.

En cas de récidive, le délinquant sera condamné à un emprisonnement de quinze à trente jours et à une amende de cent à quatre cents francs.

Art. 7. - Tout instituteur privé, sur la demande du comité mentionné dans l'article 19 de la présente loi, ou sur la poursuite d'office du ministère public, pourra être traduit , pour cause d'inconduite ou d'immoralité, devant le tribunal civil de l'arrondissement, et être interdit de l'exercice de sa profession à temps ou à toujours.

Le tribunal entendra les parties, et statuera sommairement en chambre du conseil. Il en sera de même sur l'appel, qui devra être interjeté dans le délai de dix jours, à compter du jour

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de la notification du jugement, et qui en aucun cas ne sera suspensif.

Le tout sans préjudice des poursuites qui pourraient avoir lieu pour crimes, délits ou contraventions prévus par les lois.

TITRE III.

Des écoles primaires publiques

Art. 8. - Les écoles primaires publiques sont celles qu'entretiennent, en tout ou en partie, les communes, les départements ou l'État.

Art. 9. - Toute commune est tenue, soit par elle-même, soit en se réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d'entretenir au moins une école primaire élémentaire.

Dans le cas où les circonstances locales le permettraient, le ministre de l'instruction publique pourra, après avoir entendu le conseil municipal, autoriser, à titre d'écoles communales, des écoles plus particulièrement affectées à l'un des cultes reconnus par l'État.

Art. 10. - Les communes chefs-lieux de département, et celles dont la population excède six mille âmes, devront avoir en outre une école primaire supérieure.

Art. 11. - Tout département sera tenu d'entretenir une école normale primaire, soit par lui-même, soit en se réunissant à un ou plusieurs départements voisins.

Les conseils généraux délibéreront sur les moyens d'assurer l'entretien des écoles normales primaires. Ils délibéreront également sur la réunion de plusieurs départements pour l'entretien d'une seule école normale. Cette réunion devra être autorisée par ordonnance royale.

Art. 12. - Il sera fourni à tout instituteur communal :

1° Un local convenablement disposé, tant pour lui servir d'habitation que pour recevoir les élèves ;

2° Un traitement fixe, qui ne pourra être moindre de deux cents francs pour une école primaire élémentaire, et de quatre cents francs pour une école primaire supérieure.

Art. 13. - A défaut de fondations, donations ou legs, qui assurent un local et un traitement, conformément à l'article précédent, le conseil municipal délibérera sur les moyens d'y pourvoir.

En cas d'insuffisance des revenus ordinaires pour l'établissement des écoles primaires communales élémentaires et supérieures, il y sera pourvu au moyen d'une imposition spéciale, votée par le conseil municipal, ou, à défaut du vote de ce conseil, établie par ordonnance royale. Cette imposition, qui devra être autorisée chaque année par la loi de finances, ne pourra excéder trois centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle et mobilière.

Lorsque des communes n'auront pu, soit isolément, soit par la réunion de plusieurs d'entre elles, procurer un local et assurer le traitement au moyen de cette contribution de trois centimes,

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il sera pourvu aux dépenses reconnues nécessaires à l'instruction primaire, et, en cas d'insuffisance des fonds départementaux, par une imposition spéciale, votée par le conseil général du département, ou , à défaut du vote de ce conseil , établie par ordonnance royale. Cette imposition, qui devra être autorisée chaque année par la loi de finances, ne pourra excéder deux centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle et mobilière.

Si les centimes ainsi imposés aux communes et aux départements ne suffisent pas aux besoins de l'instruction primaire, le ministre de l'instruction publique y pourvoira au moyen d'une subvention prélevée sur le crédit qui sera porté annuellement pour l'instruction primaire au budget de l'État.

Chaque année, il sera annexé, à la proposition du budget, un rapport détaillé sur l'emploi des fonds alloués pour l'année précédente.

Art. 14. - En sus du traitement fixe, l'instituteur communal recevra une rétribution mensuelle dont le taux sera réglé par le conseil municipal, et qui sera perçue dans la même forme et selon les mêmes règles que les contributions publiques directes. Le rôle en sera recouvrable, mois par mois, sur un état des élèves certifié par l'instituteur, visé par le maire, et rendu exécutoire par le sous-préfet.

Le recouvrement de la rétribution ne donnera lieu qu'au remboursement des frais par la commune, sans aucune remise au profit des agents de la perception.

Seront admis gratuitement dans l'école communale élémentaire, ceux des élèves de la commune ou des communes réunies, que les conseils municipaux auront désignés comme ne pouvant payer aucune rétribution.

Dans les écoles primaires supérieures, un nombre de places gratuites, déterminé par le, conseil municipal, pourra être réservé pour les enfants qui, après concours, auront été désignés par le comité d'instruction primaire, dans les familles qui seront hors d'état de payer la rétribution.

Art. 15. - Il sera établi dans chaque département une caisse d'épargne et de prévoyance en faveur des instituteurs primaires communaux.

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Les statuts de ces caisses d'épargne seront déterminés par des ordonnances royales.

Cette caisse sera formée par une retenue annuelle d'un vingtième sur le traitement fixe de chaque instituteur communal. Le montant de la retenue sera placé au compte ouvert au trésor royal pour les caisses d'épargne et de prévoyance ; les intérêts de ces fonds seront capitalisés tous les six mois. Le produit total de la retenue exercée sur chaque instituteur lui sera rendu à l'époque où il se retirera, et, en cas de décès dans l'exercice de ses fonctions, à sa veuve ou à ses héritiers.

Dans aucun cas, il ne pourra être ajouté aucune subvention, sur les fonds de l'État, à cette caisse d'épargne et de prévoyance ; mais elle pourra, dans les formes et selon les règles prescrites pour les établissements d'utilité publique, recevoir des dons et legs dont l'emploi, à défaut de dispositions des donateurs ou des testateurs, sera réglé par le conseil général.

Art. 16. - Nul ne pourra être nommé instituteur communal, s'il ne remplit les conditions de capacité et de moralité prescrites par l'article 4 de la présente loi, ou s'il se trouve dans un des cas prévus par l'article 5.

TITRE IV.

Des autorités préposées à l'instruction primaire

Art. 17. - Il y aura près de chaque école communale un comité local de surveillance composé du maire ou adjoint, président, du curé ou pasteur, et d'un ou plusieurs habitants notables désignés par le comité d'arrondissement.

Dans les communes dont la population est répartie entre différents cultes reconnus par l'État, le curé ou le plus ancien des curés, et un des ministres de chacun des autres cultes, désigné par son consistoire, feront partie du comité communal de surveillance.

Plusieurs écoles de la même commune pourront être réunies sous la surveillance du même comité.

Lorsqu'en vertu de l'article 9 plusieurs communes se seront réunies pour entretenir une école, le comité d'arrondissement désignera, dans chaque commune, un ou plusieurs habitants notables pour faire partie du comité. Le maire de chacune des communes fera en outre partie du comité.

Sur le rapport du comité d'arrondissement, le ministre de l'instruction publique pourra dissoudre un comité local de surveillance et le remplacer par un comité spécial, dans lequel personne ne sera compris de droit.

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Art. 18. - Il sera formé dans chaque arrondissement de sous-préfecture un comité spécialement chargé de surveiller et d'encourager l'instruction primaire.

Le ministre de l'instruction publique pourra, suivant la population et les besoins des localités, établir dans le même arrondissement plusieurs comités, dont il déterminera la circonscription par cantons isolés ou agglomérés.

Art. 19. - Sont membres des comités d'arrondissement :

Le maire du chef-lieu ou le plus ancien des maires du chef-lieu de la circonscription ;

Le juge de paix ou le plus ancien des juges de paix de la circonscription ;

Le curé ou le plus ancien des curés de la circonscription ;

Un ministre de chacun des autres cultes reconnus par la loi, qui exercera dans la circonscription, et qui aura été désigné comme il est dit au second paragraphe de l'article 17 ;

Un proviseur, principal de collège, professeur, régent, chef d'institution, ou maître de pension, désigné par le ministre de l'instruction publique, lorsqu'il existera des collèges, institutions ou pensions dans la circonscription du comité ;

Un instituteur primaire résidant dans la circonscription du comité, et désigné par le ministre de l'instruction publique ;

Trois membres du conseil d'arrondissement ou habitants notables désignés par ledit conseil ;

Les membres du conseil général du département qui auront leur domicile réel dans la circonscription du comité.

Le préfet préside, de droit, tous les comités du département, et le sous-préfet tous ceux de l'arrondissement ; le procureur du Roi est membre de droit, de tous les comités de l'arrondissement.

Le comité choisit tous les ans son vice-président et son secrétaire ; il peut prendre celui-ci hors de son sein. Le secrétaire, lorsqu'il est choisi hors du comité, en devient membre par sa nomination.

Art. 20. - Les comités s'assembleront au moins une fois par mois. Ils pourront être convoqués extraordinairement sur la demande d'un délégué du ministre : ce délégué assistera à la délibération.

Les comités ne pourront délibérer s'il n'y a au moins cinq membres présents pour les comités d'arrondissement, et trois pour les comités communaux ; en cas de partage, le président aura voix prépondérante.

Les fonctions des notables qui font partie des comités dureront trois ans ; ils seront indéfiniment rééligibles.

Art. 21. - Le comité communal a inspection sur les écoles publiques ou privées de la commune. Il veille à la salubrité des écoles et au

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maintien de la discipline, sans préjudice des attributions du maire en matière de police municipale.

II s'assure qu'il a été pourvu à l'enseignement gratuit des enfants pauvres.

Il arrête un état des enfants qui ne reçoivent l'instruction primaire ni à domicile, ni dans les écoles publiques ou privées.

Il fait connaître au comité d'arrondissement les divers besoins de la commune sous le rapport de l'instruction primaire.

En cas d'urgence, et sur la plainte du comité communal, le maire peut ordonner provisoirement que l'instituteur sera suspendu de ses fonctions, à la charge de rendre compte dans les vingt-quatre heures, au comité d'arrondissement, de cette suspension et des motifs qui l'ont déterminée.

Le conseil municipal présente au comité d'arrondissement les candidats pour les écoles publiques, après avoir préalablement pris l'avis du comité communal.

Art. 22. - Le comité d'arrondissement inspecte, et, au besoin, fait inspecter par des délégués pris parmi ses membres ou hors de son sein, toutes les écoles primaires de son ressort. Lorsque les délégués ont été choisis par lui, hors de son sein, ils ont droit d'assister à ses séances avec voix délibérative.

Lorsqu'il le juge nécessaire, il réunit plusieurs écoles de la même commune sous la surveillance du même comité, ainsi qu'il a été prescrit à l'article 17.

Il envoie chaque année au préfet et au ministre de l'instruction publique l'état de situation de toutes les écoles primaires du ressort.

Il donne son avis sur les secours et les encouragements à accorder à l'instruction primaire.

Il provoque les réformes et les améliorations nécessaires.

Il nomme les instituteurs communaux sur la présentation du conseil municipal, procède à leur installation, et reçoit leur serment.

Les instituteurs communaux doivent être institués par le ministre de l'instruction publique.

Art. 23. - En cas de négligence habituelle, ou de faute grave de l'instituteur communal, le comité d'arrondissement, ou d'office, ou sur la plainte adressée par le comité communal, mande l'instituteur inculpé ; après l'avoir entendu ou dûment appelé, il le réprimande ou le suspend pour un mois avec ou sans privation de traitement, ou même le révoque de ses fonctions.

L'instituteur frappé d'une révocation pourra se pourvoir devant le ministre de l'instruction publique, en conseil royal. Ce pourvoi devra être formé dans le délai d'un mois, à partir de la notification

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de la décision du comité, de laquelle notification il sera dressé procès-verbal par le maire de la commune. Toutefois, la décision du comité est exécutoire par provision.

Pendant la suspension de l'instituteur, son traitement, s'il en est privé, sera laissé à la disposition du conseil municipal, pour être alloué, s'il y a lieu, à un instituteur remplaçant.

Art. 24. - Les dispositions de l'article 7 de la présente loi, relatives aux instituteurs privés, sont applicables aux instituteurs communaux.

Art. 25. - Il y aura dans chaque département une ou plusieurs commissions d'instruction primaire, chargées d'examiner tous les aspirants aux brevets de capacité, soit pour l'instruction primaire élémentaire, soit pour l'instruction primaire supérieure, et qui délivreront lesdits brevets sous l'autorité du ministre. Ces commissions seront également chargées de faire les examens d'entrée et de sortir des élèves de l'école normale primaire.

Les membres de ces commissions seront nommés par le ministre de l'instruction publique.

Les examens auront lieu publiquement et à des époques déterminées par le ministre de l'instruction publique.

La présente loi, discutée, délibérée et adoptée par la chambre des pairs et celle des députés, et sanctionnée par nous cejourd'hui, sera exécutée comme loi de l'État.

Donnons en mandement à nos cours et tribunaux, préfets, corps administratifs et tous autres, que les présentes ils gardent et maintiennent, fassent garder, observer et maintenir, et, pour les rendre plus notoires à tous, ils les fassent publier et enregistrer partout où besoin sera ; et, afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre sceau.

Fait à Paris, le vingt-huitième jour du mois de juin 1833.

LOUIS-PHILIPPE

Par le Roi :

Le Ministre Secrétaire d'état au département de l'instruction publique,

Guizot

Vu et scellé du grand sceau,

Le Garde des sceaux de France, ministre secrétaire d'état au département de la justice,

Barthe

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ORDONNANCE DU ROI

Pour l'exécution de la loi du 28 juin 1833, sur l'instruction primaire.

LOUIS-PHILIPPE, ROI DES FRANCAIS,
A tous présens et à venir, salut,
Vu la loi du 28 juin 1833, sur l’instruction primaire;
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d’état au département de l’instruction publique;
Notre conseil de l’instruction publique entendu;
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:
 

TITRE PREMIER.

DE L'ORGANISATION DES ÉCOLES PRIMAIRES PUBLIQUES

 
Art. 1er. Les conseils municipaux délibéreront chaque année,dans leur session du mois de mai, sur la création ou l’entretien des écoles primaires communales, élémentaires ou supérieures, sur le taux de la rétribution mensuelle et du traitement fixe à accorder à chaque instituteur, et sur les sommes à voter, soit pour acquitter
 
[2]
 
cette dernière dépense, soit pour acquérir, construire, réparer ou louer des maisons d’école.
Ils dresseront annuellement, dans, leur session du mois d’août l’état des élèves qui devront être reçus gratuitement à l’école primaire élémentaire.
Ils détermineront, s’il y a lieu, dans cette même session le nombre des places gratuites qui pourront être mises au concours pour l’école primaire supérieure.
 
2. Dans le cas où des communes limitrophes ne pourraient entretenir, chacune pour son compte, une école primaire élémentaire, les maires se concerteront pour établir une seule école à l'usage desdites communes.
La réunion des communes, à cet effet, ne pourra être opérée que du consentement formel des conseils municipaux, et avec l'approbation de notre ministre de l’instruction publique.
A défaut de conventions contraires de la part des conseils municipaux, les dépenses auxquelles l’entretien des écoles donnera lieu seront réparties entre les communes réunies, proportionnellement au montant de leurs contributions foncière, personnelle et mohilière. Cette répartition sera faite par le préfet.
Une réunion de communes ainsi opérée pourra être dissoute par notre ministre de l’instruction publique, sur la demande motivée d’un ou plusieurs conseils municipaux, mais à condition que ces conseils prendront l’engagement de pourvoir, sans délai, à l’établissement et à l’entretien des écoles de leurs communes respectives.
 
3. Les maires des communes qui ne possédent point de locaux convenablement disposés, tant pour servir d’habitation à leurs instituteurs communaux, que pour recevoir les élèves, et qui ne pourraient en acheter ou en faire construire immédiatement, s'occuperont sans délai de louer des bâtimens propres à cette destination. Les conditions du bail seront soumises au conseil municipal et à l’approbation du préfet.
Pendant la durée du bail, qui ne pourra excéder six années, les conseils municipaux prendront les mesures nécessaires pour se mettre en état d’acheter ou de faire construire des maisons d’école, soit avec leurs propres ressources, soit avec les secours qui pourraient leur être accordés par le département ou par l'Etat.
 
4. Lorsqu’une commune, avec ses ressources ordinaires, ainsi qu’avec le produit des fondations, donations ou legs qui pourraient être affectés aux besoins de l’instruction primaire, ne sera pas en état de pourvoir au traitement des instituteurs et de procurer le local nécessaire, le conseil municipal sera appelé à voter, jusqu'à concurrence de trois centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle et mobilière, une imposition speciale, à l’effet de pourvoir à ces dépenses.
 
5. Les délibérations par lesquelles les conseils municipaux auront réglé le nombre des écoles communales, fixé le traitement des
 
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instituteurs, arrêté les mesures ou les conventions relatives aux maisons d’école et voté les fonds, seront envoyées, avant le 1er juin, pour l’arrondissement chef-lieu au préfet, et pour les autres arrondissemens aux sous-préfets, qui les transmettront dans les dix jours au préfet avec leurs avis.
 
6. Les préfets inséreront sommairement les résultats de ces délibérations sur un tableau, dont le modéle leur sera transmis par notre ministre de l’instruction publique, et qui indiquera les sommes qu'ils jugeront devoir être fournies par le département pour assurer le traitement des instituteurs communaux, et pour procurer des locaux convenables.
Ces tableaux seront présentés aux conseils généraux, dans leur session ordinaire annuelle.
 
7. Dès que l’ordonnance royale de convocation des conseils genéraux et des conseils d’arrondissement pour leur session ordinaire annuelle aura été publiée, les préfets enverront à notre ministre de l’instruction publique une copie de ces tableaux.
Ils enverront en même temps l’état des communes qui n’auraient pas encore fixé le traitement de leurs instituteurs communaux, ni assuré un local pour l’école, avec indication des revenus de chaque commune, du produit annuel des fondations, donations ou legs et de la portion de ce produit et de ces revenus que la commune pourrait affecter à cette dépense.
 
8. Dans le cas où les votes des communes, n’auraient pas pourvu au traitement de l’instituteur et à l’établissement de la maison d’école, une ordonnance royale autorisera, s’il y a lieu, dans les limites fixées par la loi, une imposition spéciale sur ces communes,à l’effet de pourvoir à ces dépenses.
La somme ainsi recouvrée ne pourra, sous aucun prétexte, être employée à d’autres dépenses qu’à celles de l’instruction primaire.
 
9. Si des conseils généraux de département ne votaient pas, en cas d’insuffisance de leurs revenus ordinaires, l’imposition spéciale destinée à couvrir, aufant qu’il se pourra, les dépenses nécessaires pour procurer un local et assurer un traitement aux instituteurs, cette imposition sera établie, s’il y a lieu, par ordonnance royale,dans les limites fixées par la loi.
 
10. Lorsque, dans le cas d’insuflisance des revenus ordinaires des communes et des départomens, et des impositions spéciales qu'ils sont autorisés à voter, l'État devra concourir, au payement du traitement fixe des instituteurs, ce traitement ne pourra exceder le minimum fixé par l’art. 12, de la loi, du 28 juin dernier.
 
11. Au commencement de chaque mois, l’instituteur communal remettra au maire l’état des parens des élèves qui auront fréquenté sen ecole pendant le mois précédent, avec l’indicatien du montant de la rétribution mensuelle due par chacun d'eux.
Le recouvremeni de ce rôle sera poursuivi par les mêmes voies que celui des contributions directes.
 
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Tous les frais, autres que ceux de poursuites; seront rembousés par la commune.
Les réclamations auxquelles la confection du rôle pourrait donner lieu, seront rédigées sur papier libre et déposées au secrétariat de la sous-préfecture.
Elles seront jugées par le conseil de préfecture, sur l’avis du comité local et du sous-préfet, lorsqu’il s’agira de décharges et de réductions; par le préfet, sur l’avis du conseil municipal et du sous-préfet, lorsqu’il s’agira de remises et de modérations.
 
12. Les dépenses des écoles primaires et les diverses ressources qui y sont affectées font partie des recettes et dépenses des communes ; elles doivent être comprises dans les budgets annuels et dans les comptes des receveurs municipaux; elles sont soumises à toutes les règles qui régissent la comptabilité communale.
 
13. Divers plans d’écoles primaires pour les communes rurales, accompagnés de devis estimatifs détaillés, seront dressés par les soins de notre ministre de l’instruction publique, et déposés au secrétariat des préfectures, des sous-préfectures, des mairies des chefs-lieux de canton, et des comités d’arrondissement, ainsi qu’au secrétariat de chaque académie.
 
14. Le tableau de toutes les communes du royaume, avec l’indication de leur population et de leurs revenus ordinaires et extraordinaires, divisé par départemens, arrondissemens et cantons, sera adressé tous les cinq ans, par notre ministre du commerce et des travaux publics, à notre ministre de l’instruction publique.
 
15. Chaque année notre ministre de l’instruction publique fera dresser un état des communes qui ne possédent point de maisons d’école, de celles qui n’en ont pas en nombre suffisant, à raison de leur population, et enfin de celles qui n’en ont point de convenablement disposées.
Cet état fera connaître les sommés votées par les communes et par les départemens, en exécution des articles 1er, et suivans de la présente ordonnance, soit pour les instituteurs, soit pour les maisons d’école. Il indiquera généralement tous les besoins de l’instruction primaire, et sera distribué aux chambres.
 

TITRE II

DES ÉCOLES PRIMAIRES PRIVÉES

 
16. Aussitôt que le maire d’une commune aura reçu la déclaration à lui faite, aux termes de l’article 4 de la loi, par un individu qui remplira les conditions prescrites et qui voudra tenir une école , soit élémentaire, soit supérieure, il inscrira cette déclaration sur un registre spécial, et en delivrera récépissé au déclarant.
Il enverra au comité de l’arrondissement et au recteur de l'académie des copies de cette déclaration, ainsi que du certificat de moralité que doit présenter l’instituteur.
 
17. Est considérée comme école primaire toule réunion habituelle
 
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d’enfans de différentes familles, qui a pour but l’étude de tout ou partie des objets compris dans l’enseignement primaire.
 
18. Tout local destiné à une école primaire privée sera préalablement visité par le maire de la commune ou par un des membres du comité communal, qui en constatera la convenance et la salubrité.
 
19. Les instituteurs privés qui auront bien mérité de l’instruction primaire seront admis comme les instituteurs communaux, sur le rapport des préfets et des recteurs, à participer aux encouragemens et aux récompenses que notre ministre de l’instruction publique distribue annuellement.
 

TITRE III.

DES ÉCOLES NORMALES PRIMAIRES.

 
20. Les préfets et les recteurs prépareront chaque année un aperçu des dépenses auxquelles donnera lieu l’école normale primaire que chaque département est obligé d’entretenir, soit par lui-même, soit en se réunissant à un ou plusieurs départemens voisins.
Cet aperçu sera présenté aux conseils généraux dans leur session ordinaire annuelle.
 
21. Lorsque plusieurs départemens se réuniront pour entretenir ensemble  une école normale primaire, les dépenses de cette école, autres que celles qui seront couvertes par le produit des bourses fondées par les communes, les départemens ou l’Etat, seront réparties entre eux dans la proportion de la population, du nombre des communes, et du montant des contributions foncière, personnelle et mobilière.
Cette répartition sera faite par notre ministre de l’instruction publique.
 
22. Lorsqu’un conseil général n’aura pas compris, dans le budget des dépenses du département, la somme nécessaire pour l’entretien de l’école normale primaire, une ordonnance royale prescrira de l’y porter d’office, au chapitre des dépenses variables ordinaires.
 
23. Dans les départemens d’une étendue considérable ou dont les habitans professent différens cultes, notre ministre de l'instruction publique, sur la demande des conseils généraux ou sur celle des conseils municipaux qui offriraient de concourir au payement des dépenses nécessaires, et sur la proposition des préfets et des recteurs, pourra autoriser, après avoir pris l'avis du conseil royal, outre les écoles normales, l’établissement d’écoles modéles qui seront aussi appelées à former des instituteurs primaires.
 

TITRE IV

DES AUTORITÉS PRÉPOSÉES A L'INSTRUCTION PRIMAIRE

 
24. Les comités d’arrondissement fixeront, annuellement; dans leur réunion du mois de janvier, l’époque de chacun des autres mois ou ils s'assembleront.
 
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La séance ainsi indiquée aura lieu sans qu’aucune convocation spéciale soit nécessaire.
 
25. En l’absence du président de droit, et du vice-président nommé par le comité d’arrondissement, le comité est présidé par le doyen d’âge.
 
26. Tout membre élu d’un comité, qui, sans avoir justifié d'une excuse valable, n’aura point paru à trois séances ordinaires consécutives, sera censé avoir donné sa démission, el sera remplacé conformément à la loi.
 
27. Les frais de bureau des comités communaux sont supportés par la commune, et ceux des comités d’arrondissement par le département.
 
28. Lorsque le comité d’arrondissement nommera un instituteur, il enverra immédiatement au recteur l’arrêté de nomination avec l’avis du comité local, la délibération du conseil municipal, la date du brevet de capacité et une copie du certificat de moralité
Le recteur transmettra ces pièces à notre ministre de l’instruction publique, qui donnera l’institution s’il y a lieu.
L’instituteur ne sera installé et ne prêtera serment qu’après que notre ministre de l’instruction publique lui aura conféré l’institution, mais le recteur pourra l’autoriser provisoirement à exercer ses fonctions.
 

TITRE V

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

 
29. Les conseils municipaux délibéreront, dans leur session ordinaire du mois d’aoüt prochain, sur l’organisation de leurs écoles primaires publiques pour 1834. Ils s’occuperont de tous les objets sur lesquels, aux termes du paragraphe 1er. de l’article 1er de la présente ordonnance, ils devront annuellement délibérer dansla session du mois de mai.
Les délibérations seront envoyées immédiatement aux préfets et aux sous-préfets, au plus tard avant le 20 aout.
 
30. Les divers états que les préfets sont tenus d’adresser à notre ministre, de l’instruction publique, aux termes de l'article 7 de la présente ordonnance; aussitôt, que l'ordonnance royale de convocation des conseils généraux et d’arrondissenement a été publié, lui seront envoyés, en 1833, avant le 5 septembre.
 
31. Les préfets présenteront aux conseils généraux, dans la prochaine session, un aperçu des sommes nécessaires pour aider les communes, à procurer un local et à assurer un traitement à leur instituteur pendant l’année 1834.
Les conseils généraux seront appelés à voter, conformément à l’article 3 de la loi du 28 juin dernier sur l’instruction primaire, un crédit ou une imposition destinés à l’acquitement de cette dépense.
 
32. Les conseils généraux délibéreront égalament dans leur prochaine
 
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session sur les projets de statuts des caisses d’épargne et de prévoyance qui doivent être établies dans chaque département en faveur des instituteurs primaires communaux.
 
33. Dans le délai de trois mois, notre ministre de l’instruction publigue réglera, conformément à l’article 18 de la loi du 28 juin dernier, le nombre et la circonscription des comités d’arrondissement.
Dans les trois mois qui suivront l’installation des comités d’arrondissement, il sera procédé à l’organisation des comités communaux.
Jusqu’à l’installation des nouveaux comités, les comités actuels continueront leurs fonctions.
 
34. Pareillement jusqu’à l’installation des nouveaux comités, et lorsqu’il s’agira de nommer un instituteur communal, le conseil municipal présentera les candidats au comité placé au chef-lieu de l’arrondissement, après avoir pris l’avis du comité dont la commune ressort immédiatement. Le comité du chef-lieu d’arrondissement nommera l’instituteur, et se conformera aux dispositions de l’article 29 de la présente ordonnance.
 
35. Dans le cas prévu par l’article 23 de la loi du 28 jun dernier, le droit de suspension et de révocation sera de même exercé par le comité placé au chef-lieu de l’arrondissement, ou d’office, ou sur la plainte adressée par le comité dont ressortira immédiatement l'instituteur inculpé.
 
36. Nos ministres de l’instruction publique, du commerce et des travaux publics et des finances, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution de la présente ordonnance.
 
Donné à Paris, au palais des Tuileries, le 16 juillet 1833.
Signé LOUIS-PHILIPPE.
 
Par le Roi,
Le ministre sectélaire d’état au département de l’instruction publique,
Signé GUIZ0T.