Collège Saint-Clément tenu par les Jésuites (1852-1872, 1919-1970)

Contenu

Type d'organisme
Écoles secondaires
Écoles catholiques
Domaine d'activité
Enseignement secondaire
Classes préparatoires
Description
Sur décision judiciaire en 1762, l'interdiction fut prononcée aux Jésuites d'enseigner en France. Cette interdiction avait été prononcée de nouveau par ordonnance de Charles X, du 16 juin 1828, dans l'objectif de satisfaire l'opinion générale. Les petits séminaires restaient dévolus à l'Université d'État. Cependant, à la faveur de la Monarchie de Juillet, la congrégation se montre de retour à Metz, à partir de 1839. Une simple résidence est tout d'abord ouverte et sert de lieu d'accueil aux Jésuites de passage, rue des Trinitaires à Metz.

Quelques années auparavant, en 1833, l'abbé Bureaux avait fondé à Metz une pension privée, localisée rue des Augustin, dans l'ancien couvent non loin de la place Saint-Thiebault. Les élèves y suivaient des enseignements en partie privés, donnés par les ecclésiastiques, avec pour les grandes classes de philosophie, des cours suivis au Collège royal de Metz (Lycée). Dès avant 1850, le collège et pensionnat Saint-Augustin vivait de sa vie propre, en partie en marge de l’Université, proposant des tarifs de pension plus avantageux que ceux du Collège royal. L'évèque de Metz, Mgr Dupont des Loges (1804-1886), accepte alors la remise entre ses mains de cette institution privée. La direction était alors tenue par l'abbé Pierre-Victor Braun (1825-1882), elle devient confiée aux Jésuites à partir de 1852. L'enseignement qu'ils y dispensent se montre alors fortement modifié, comparé à celui du premier collège.

Viansson-Ponté précise à propos du Collège Jésuite de 1852 : "Qui n'a pas vu les bâtiments du collège Saint-Augustin ne peut se rendre compte des difficultés à vaincre pour y installer trois cents élèves. On dut renoncer à toute modification sérieuse, l'espace faisant complètement défaut. La maison où se trouvaient les classes était séparée du logis principal par une large rue. Quatre fois par jour, on devait traverser cette voie pour se rendre en classe et en revenir. Les dortoirs étaient disséminés un peu de tous côtés. [...] Le professeur de physique qui occupait une vaste chambre dans le bâtiment des classes y donnait asile à tout un attirail de machines et d'instruments. Le P. Bach, dans sa cellule longue et étroite, avait réuni les éléments de ce qui devint un cabinet d'histoire naturelle, on se heurtait la tète à un crocodile empaillé qui se balançait suspendu au plafond et l'on ne pouvait remuer sans renverser une collection quelconque. Le professeur de philosophie se calfeutrait contre les courants d'air, mais aussi contre le jour, au moyen des in-folios de sa bibliothèque. Quand les rhétoriciens [élèves de seconde] se rendaient chez leur professeur, le R. P. Richard, ils devaient séjourner sur l'escalier, la pièce ne pouvant contenir plus de trois personnes."

Suite à la loi Falloux parue en 1850, l'enseignement se libéralise et les congrégations, autres que celles des Frères des écoles chrétiennes, peuvent de nouveau tenir collège. A partir de 1852, le père Léon Turquand, ancien polytechnicien de la promotion 1833 et ancien officier d'artillerie, entré dans les ordres jésuites en 1839, est tout d'abord nommé premier recteur du collège jésuite à Saint-Augustin. Le père Sturm le seconde et est nommé préfet. Le Collège commence à attirer des pensionnaires de la Moselle et au-delà. Il devient en effet possible de se rendre en train à Metz, depuis Paris en passant par Nancy d'un côté, ou depuis Berlin en passant par Sarrebruck de l'autre. La présence à proximité de l'École d'application motive les parents des internes.

En 1853 et 1854, des campagnes sont entreprises auprès des catholiques messins, dans le but de rassembler des fonds. Il s'agit alors de transférer le collège de Saint-Augustin à l'ancienne Abbaye Saint-Clément, alors propriété du Ministère de la Guerre. Les bâtiments deviennent rachetés en 1855, suite à plusieurs interventions politiques menées au niveau national. De très importants travaux sont alors entrepris à Saint-Clément, d'une durée de plus de trois ans. Au sud du cloître, quatre corps de bâtiments sont ajoutés, autour d'une nouvelle cour nommée cour du parloir. Une chapelle privée, aujourd'hui nommée chapelle de la Congrégation est bâtie. En fond de la propriété, un gymnase est aménagé derrière la vaste cour de récréation.

En 1857, le déménagement est bien avancé lorsque le père Stumpf remplace Turquand à la direction. Ce dernier est nommé recteur à Paris, à l'École Sainte Geneviève, une école jésuite parisienne créée en 1854. A Metz, les élèves déménagent progressivement jusqu'en 1858, date de la fin des travaux. Les anciens bâtiments des Augustins deviennent rachetés par l’évêché et affectés à une école des Frères des Écoles chrétienne. Jusqu’en 1872, fonctionne alors à Saint-Augustin une école primaire avec des cours du niveau primaire supérieur.

De 1857 à 1872, les mathématiques de différents niveaux sont enseignées à Saint-Clément. Des classes de mathématiques élémentaires et spéciales deviennent instituées pour faire face à la demande des parents. En 1857, le collège compte 350 élèves, 400 élèves en 1860, 480 en 1866, 500 en 1871, dont plus de 300 pensionnaires.

Henry Contamine note que dans les années 1860, les relations avec le lycée ne sont pas dénuées d'incidents. Des rixes entre élèves du public et du privé viennent troubler l'ordre public. Lycée et Collège trouvent alors des arrangements pour éviter les incidents. Les jésuites organisent en fin d'année des excursions vers Nancy et les élèves de Saint-Clément défilent, précédés de leur fanfare. Les pères impliquent aussi les élèves dans diverses œuvres caritatives. A Saint-Clément, des fêtes annuelles contribuent à l'animation des classes: l'Académie des élèves du Collège organise des représentations théâtrales, des rencontres publiques à l'escrime, entre les meilleurs élèves.

Parmi les pièces écrites par les élèves eux-mêmes, peuvent être remarquées :
- 1857, dédiée à Turquand lors de son départ. imprimée chez Nouvian : Campianum drama historicum, Occasione festi onomastici R. P. Leonis Turquand, rectoris collegii Metensis S. J., discipuli Academici a classibus Philosophiæ, Rhetoricæ, Humanitatis et Grammaticæ repræsentant autores, die 1 Julii 1857. Metz, imp. Nouvian, 12, pp. — Le MS. est de 90 pp. en latin
- 1861, dédiée à Stumpf : Joannem impayidum Burgundiæ ducem Drama historicum In Festo onomastico R. P. J.-B. Stumpf, rectoris… Discipuli à classibus Philosophiæ, Rhetoricæ et Humanitatis, in scena exhibent actores, die 23 Junii 1861. Ibid., id., 8°. — Le MS. a 9l pp.
- 1862, dédiée à Stumpf : Saint-Clément. Félix, tragédie chrétienne, dédiée au R. P. Jean-Baptiste Stumpf, recteur de Saint-Clément, à l'occasion de sa fête patronale, représentée par les élèves de Rhétorique et d'humanités le 4 juillet 1862. Ibid, id., 12°, p. 1. — Le MS. a 66 pages.
- 1864, dédiée à Stumpf : La Trahison. Drame historique en trois actes, représenté à l'occasion de la fête patronale du R. P. Jean-Baptiste Stumpf, recteur de Saint- Clément, à Metz, le 26 Juin 1864. Ibid, id, 12°. — Le MS. a 60 pp. — Le héros est Olivier de Clisson.

En ce qui concerne les résultats, en 1858, deux élèves sont reçus à Saint-Cyr, et au cours des années suivantes le nombre des réussites atteint souvent une dizaine. Des prix sont remportés par les élèves, en mathématiques élémentaires et mathématiques spéciales au niveau départemental. Créés en 1863, les cours préparatoire aux écoles du Gouvernement attirent un public local, devenu national et international. Le Lycée se trouve vivement concurrencé, mais il garde l'avantage pour la préparation à Polytechnique. Pendant la courte période de dix années que dure l'École, elle fait admettre 236 candidats à Saint-Cyr, 58 à l’École polytechnique, une quarantaine à l'École centrale, et une vingtaine à l’École forestière. En 1872 lors de la dernière année scolaire, sur quatre candidats à Polytechnique présentés trois sont reçus. 13 candidats au concours de Saint-Cyr sont déclarés admissibles. L'article du Figaro du 2 juin 1879 (en opposition aux lois Ferry adoptées et en préparation), énumère 56 bacheliers ès science et ès lettres, dont sept avec la mention honorable.

Lorsque Ferdinand Foch (1851-1929) arrive au Collège de Metz en 1869-1870, pour préparer le concours d'entrée à Polytechnique, on trouve parmi les autres élèves don Miguel de Bragance (1853-1927), infant du Portugal ; le comte Alexandre Czosnowski et son cousin, le prince Michel Radziwil (Michał Piotr Radziwiłł, 1853–1903), nobles polonais, les futurs généraux de Bazelaire de Saulcy, de Montlebert; le futur académicien Georges Lenôtre, connu alors sous son nom de Théodore Gosselin (1855-1935), petit-fils du colonel Gosselin de Metz, le centralien et romancier François de Curel (1854-1928); le futur chirurgien Paul Michaux (1854-1923); le futur homme politique et sénateur de la Moselle Maurice Bompard (1854-1935), le futur général et député de la Moselle Louis de Maud'huy (1857-1921). Parmi les plus jeunes, Victor Prével (1860-1938), maire de Metz en 1918 et 1919.

Parmi les Jésuites professeurs de mathématiques sur la période 1852-1872, il est possible de citer le père Saussié (1826-1914), ancien officier de marine, en cours de mathématiques spéciales et le père Cosson (1830-1906), lorrain qui après avoir enseigné les mathématiques 13 ans à Sainte Geneviève (Paris), a été affecté à Saint-Clément. En 1872, suite aux accords de Francfort, l'enseignement jésuite devient proscrit à Metz. La dernière distribution des prix se déroule le 4 aout 1872. Particulièrement suivie, la cérémonie cite les anciens élèves blessés, morts au combat ou décédés lors d'une épidémie qui s'ensuivit, de même que les nouveaux admis aux grandes écoles.

Lors du siège de Metz, d'aout à octobre 1870, les pères Jésuites s'illustrent et recueillent sur les champs de bataille sept cent militaires blessés pour les ramener au collège transformé en hôpital. Le Supérieur Constant Couplet (1817-1899) reçoit la légion d'honneur en 1872. Les militaires lui avaient de plus confié leurs archives militaires avant la capitulation, à tenir provisoirement cachées. Au 18 Février 1872, Stumpf devenu de nouveau recteur en remplacement de Couplet donne sur l’état de l'établissement les détails suivants :
«Notre communauté se compose de soixante membres : Trente et un prêtres, quatorze Scolastiques, quinze Frères coadjuteurs; six de nos Pères sont exclusivement occupés au saint ministère à l'extérieur. Des quatorze Scolastiques sept suivent régulièrement le cours de Philosophie de Troisième année; les sept autres sont professeurs ou surveillants. Les élèves sont au nombre de quatre cent deux, dont deux cent vingt-huit pensionnaires. Cent quarante-neuf sont de l’intérieur de la France, soixante-dix-sept de l’Alsace-Lorraine. Des cent soixante-quatorze externes dix-neuf viennent de la France, cent quarante-neuf de l’Alsace-Lorraine ou plutôt de Metz, cinq de l’Allemagne. ».

Suite à la loi d'Empire allemand du 4 juillet 1872, dite loi anti-jésuite, les membres messins se dispersent sur Paris, Boulognes et Dijon essentiellement. La province de Champagne, entité administrative jésuite basée à Reims, voit son périmètre fortement réduit. Les bâtiments messins sont revendus ou bien loués. Ils connaissent alors des affectations diverses : école normale d'institutrices (1875-1880), puis d'instituteurs jusqu'en 1911, collège d'enseignement catholique en 1911, puis hôpital pour les prisonniers français blessés durant la Première guerre mondiale.

Dès 1919, le Collège jésuite de Saint-Clément devient rouvert. En 1932, des séries de travaux sont entrepris. En 1966, un incendie détruit une partie des combles. En 1970, le collège Saint-Clément et l’école primaire du Sacré-Cœur (un an plus tard, en 1971) fusionnent avec le Petit Séminaire dont les bâtiments localisé à Saint-Julien-les-Metz se montrent plus modernes.

A partir de 1972, le quartier de l'ancien collège jésuite Saint-Clément devient complètement restructuré. Des immeubles sont détruits, les anciens bâtiments de l'abbaye et du collège sont restaurés et deviennent, en 1982, Hôtel de Région. La chapelle de la Congrégation est transformée en une salle de réunion. L'église abbatiale devient église paroissiale, alors que la Bibiliothèque-médiathèque Paul-Verlaine à Pontiffroy s'installe à proximité.
Année de création - fermeture
1852-1872
Année de création
1852
Année de fermeture
1872
Titre
Collège Saint-Clément tenu par les Jésuites (1852-1872, 1919-1970)
Employé, affecté, membre
Turquand, Léon, abbé (1814-1887)
Profession
Recteur
Date
1852-1857
Stumpf, Jean-Baptiste, abbé (1817-1878)
Profession
Recteur
Date
1857-1867
1871-1872
Coué, Eugène, recteur 1867-1869, de Rochefort Morbihan
Couplet, Constant, abbé (1817-1899)
Profession
Recteur
Date
1869-1871
Saussié, Auguste, abbé (1826-1914)
Cosson, Eugène (1830-1906)
URI de l'item dans les bases Idref, catalogue.bnf.fr, isni, Wikidata
https://www.idref.fr/078606055
https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb13165630s