La machine à différences de Scheutz, remarquée par Babbage, Chasles, Dupin et Mathieu à l'Exposition universelle de Paris en 1855
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- La machine à différences de Scheutz, remarquée par Babbage, Chasles, Dupin et Mathieu à l'Exposition universelle de Paris en 1855
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Il s'agit de la première calculatrice-imprimante à usage spécial vendue aux États-Unis. Les mathématiciens et astronomes calculent de grandes quantités de tables numériques, comme par exemple des tables de multiplication, de logarithme, de valeurs de polynômes. Les tableaux complexes contenaient souvent des erreurs, provenant à la fois d'erreurs de calcul et de reproduction. Au début des années 1800, le mathématicien anglais Charles Babbage (1791-1871) avait proposé une machine à différences qui devait améliorer le calcul des tableaux de données contenus dans les almanachs nautiques britanniques, américains, français et autres.
Bien que la machine de Babbage n'ait jamais été finalisée, elle a inspiré le suédois Georg Scheutz (1785-1873) et son fils Edvard (1822-1881) et fut fortement soutenue par Babbage lui-même. Motorisée par des poids et une manivelle, la machine de Scheutz a été notamment montrée à l'Exposition universelle de Paris en 1855. La machine a également été remarquée par Claude-Louis Mathieu (1783-1875), lors de sa présidence au Bureau des longitudes en 1855. Un exemplaire amélioré fut vendu à l'Observatoire de Dudley, état de New York, en 1860.
Dans le texte des Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie, Michel Chasles (1793-1880), de même que Dupin répondent à Babbage, membre correspondant qui promeut l'engin. La machine à différences de Scheutz fut présentée à Napoléon III, conjointement avec "l'Arithmaurel", de Maurel et Jayet, avec l'arithmomètre de Charles Thomas.
1/ Le texte transcrit de Chasles et de Dupin est le suivant :
CRAS, Tome 42, 1856, p798
M. Chasles présente à l'Académie, de la part de M. Babbage, Correspondant de l'Institut, un écrit intitulé : Observations adressées à la Société royale de Londres, dans sa dernière séance annuelle, à l'occasion des Médailles décernées par la Société [à la machine de Scheutz].
« Cette allocution, dit-il, a pour objet l'ingénieuse machine Suédoise pour le calcul et l’impression des Tables mathématiques par différences, dont M. Babbage a entretenu l’Académie dans sa séance du 8 octobre 1855 : machine qui depuis à obtenu la médaille d'honneur à la grande Exposition de l’industrie.
» Dans cet écrit se trouve une courte Notice sur l'inventeur, M. Scheutz, et sur les difficultés qu’il a eu à surmonter pendant près de vingt ans, pour accomplir cette œuvre qui se distingue de tous les essais tentés jusqu’à ce jour, non-seulement en ce que la machine effectue immédiatement une série d'opérations, mais surtout en ce qu’elle en fixe spontanément les résultats par impression sur des lames de plomb.
» Dans des questions de cette nature, le jugement de M. Babbage, comme le sait l’Académie, a d'autant plus de poids, qu'il est difficile de réunir tout à la fois, au mème degré que lui, le savoir du géomètre et les connaissances technologiques indispensables pour la conception et l'exécution effective d’une machine de ce genre.
» On ne lit pas sans intérêt dans la Notice du célèbre Membre de la Société royale quelques détails qui font connaître, en même temps que les difficultés dont nous venons de parler, l'appui bienveillant que M. Scheutz à trouvé près de la haute administration et du premier corps savant de son pays.
» Après de longs sacrifices qui n'avaient pu suffire à l’accomplissement de son œuvre, M. Scheutz dut réclamer les secours de la Diète de Stockholm. La Diète voulut bien accorder une subvention devenue nécessaire, à la condition toutefois d'une garantie. Ici nouvelle difficulté ; car, dans la circonstance, cette garantie, on le conçoit, présentait à M. Scheutz plus de difficultés encore que l'invention de la machine. Si près du but, il se voyait donc au moment de renoncer à ses espérances et de perdre le fruit de tant d'années d’études et de travaux. Mais heureusement parmi les professeurs de l’Académie de Stockholm se trouvaient non-seulement des hommes éclairés, mais des hommes de cœur, capables d'éprouver de la sympathie pour le mérite et la noble persévérance du savant mécanicien.
» À l'honneur durable de l'Académie de Stockholm, chaque membre, par un engagement personnel, s'empressa de concourir à la réalisation de la garantie réclamée, Aussitôt les travaux interrompus furent repris avec une nouvelle ardeur par MM. Scheutz père et fils, et la construction de l’admirable instrument fut terminée dans les délais prévus. La Diète voulut alors doubler l'allocation consentie et s'associer ainsi aux suffrages éclatants de l'Académie de Stockholm.
Remarques de M. le baron Charles Dupin à l'occasion de cette présentation.
» Quel que soit le mérite éminent de là machine à calculer de M. Scheutz, je ne fais aucune difficulté d'admettre que l'usage de cette invention est moins expéditif que des calculs accomplis par les plus habiles calculateurs, dans l’Observatoire de Paris. Mais de là je me garderai de conclure qu’il faille décourager les auteurs; je serais fâché qu’on les détournât de poursuivre la recherche des perfectionnements nouveaux, parce qu’on n’espérerait pas un certain degré de succès.
» Je pourrais citer comme exemple ce qui s’est passé, depuis si peu d’années, pour la photographie. Dans le principe, il fallait un assez bon nombre de minutes avant d'obtenir une empreinte quelque peu satisfaisante, L'imperfection des premiers essais n’a pas rebuté. On à cherché des procédés plus expéditifs, et par degrés on à produit des photographies de plus en plus parfaites, en une minute, en quelques secondes, Aujourd’hui l'impression approche à tel point d’être instantanée, qu'on parvient à reproduire même l'aspect des eaux incessamment agitées, comme les ondes de la mer et le mouvement des cascades,
» Arrêtons notre pensée sur un autre exemple, celui des machines à mouvement continu, pour remplacer la filature à la main. Dans le principe on ne pouvait.égaler que les ouvrières les plus médiocres et pour un grossier travail. Mais, avec le temps, on a fait moins lentement et plus habilement des fils dont la longueur à surpassé cent lieues par kilogramme de matière; les plus habiles fileuses ont cessé de pouvoir soutenir la concurrence, et pour l'égalité mathématique des fils, et pour l'économie du temps.
» Aux yeux de l'Académie des Sciences, le premier, le plus grand mérite, c'est l’invention. Les découvertes du génie doivent être accueillies sans s’inquiéter si les moyens nouveaux sont plus ou moins expéditifs que des moyens préexistants. Les parties où les machines imaginées sont inférieures à d'anciens procédés doivent être regardées, non comme un obstacle devant lequel il faille s'arrêter, mais comme l'objet de recherches ultérieures et de découvertes nouvelles.
» C’est dans cet esprit qu’il faut accueillir les machines à calculer, surtout quand elles ont obtenu le suffrage d’un concurrent aussi éminent, aussi désintéressé que l’illustre M. Babbage.
2/ Les Comptes-rendus du Bureau des longitudes précisent :
“Séance du mercredi 10 8bre 1855”, 1855-10-10, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 5 décembre 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/9936
» M. Mathieu entretient le Bureau d'une machine à calculer envoyée à l'exposition par M. Schutz [Scheutz] (suédois). Cette machine qui est fondée sur la formule ordinaire d'interpolation donne le moyen lorsqu'on connait les différences 1ère, 2de, 3ème, 4ème d'une série de calculer tous les termes intermédiaires ; au moyen d'un mécanisme supplémentaire ces termes se trouvent en outre imprimés sur une plaque de plomb, en sorte qu'on a pas à craindre les erreurs de lecture.